Né à Oita en 1906 au Japon, Key Sato est l’ainé des artistes japonais venus s’installer à Paris après la guerre, et l’une des grandes figures de l’Ecole de Paris.
Dès son plus jeune âge, Sato témoigne d’un goût prononcé pour le dessin qu’il peut développer grâce à l’éducation japonaise qui l’initie à l’art par l’écriture et à la découverte de la nature et du paysage. Au lycée, il dessine d’après nature, technique en plein essor à cette époque. Il s’inspire de Cézanne qui est son maître de référence et sa première œuvre est d’ailleurs un autoportrait au style Cézannien.
Diplômé des Beaux-Arts de Tokyo en 1929, il expose au Salon national de Tokyo dès 1926 puis obtient le Grand Prix de ce salon en 1932. A cette époque il est un peintre figuratif célébré dans son pays. Lors de son premier séjour à Paris entre 1930 et 1934 où il fréquente à l’Académie Colarossi, il est très attiré par les travaux cubistes de Picasso.
De retour au Japon en 1934, il va remettre sa peinture en question et basculer vers l’abstraction. Il tente de se défaire de sa technique virtuose pour s’orienter vers une peinture mûrie, offrant des couches successives dont le relief présente une rugosité bien éloignée du raffinement japonais qu’il rejette. En 1936 il devient membre fondateur du salon Shinseisaku (Nouvelles œuvres), et sera également membre du comité du Musée d'Art Moderne de Kamakura.
Sept ans après la guerre, il saisit alors l’occasion d’être envoyé comme correspondant par le journal Asahi pour écrire des articles sur l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Turquie et, celui qui a toujours rêvé de voir le désert, considère la découverte de ces paysages de sable comme une entrée en matière dans l’abstraction : « la vraie forme de la nature : l’origine des formes de la nature abstraite. » Plus tard, il dira également que l’art pariétal l’a beaucoup influencé, notamment les Grottes de Lascaux qu’il visitera à plusieurs reprises.
En 1952 il s’installe à Paris une nouvelle fois, cité Falguière. Fortement inspiré par la nature et le monde minéral, il donne naissance à des œuvres qui reflètent des souvenirs, une sorte de rêverie géologique imprégnée de bruns, de noir, de terre, d’ocre, parfois de violet et de rouge. Son atelier abrite un grand nombre de pierres, de racines, de bois flottés, de branches et d’écorces, autant d’éléments de paysages qu’il fera surgir sur ses toiles. L'art de Key Sato se situe en dehors du temps, de l'éphémère et du geste.
Sa première exposition à lieu à Paris en 1954 à la Galerie Mirador. Puis il se fait connaître en participant à l’exposition du Salon de mai la même année avant de rencontrer Bernard Dorival, célèbre conservateur du Musée national d’art moderne de Paris, grâce à qui l’une de ses œuvres entre dans les collections du musée. Puis il signe un contrat avec le galeriste Jacques Massol qui présentera ses œuvres de 1958 à 1962. Pour Michel Ragon, Key Sato est un « naturaliste abstrait » comme James Guitet, John-Franklin Koening ou Antoni Tàpies.
La peinture de Sato frappe par sa rugosité qui, pour l’œil occidental, contraste avec l’art japonais classique, calligraphique et élégant. Mais elle est aussi très ancrée dans une forme d’esthétisme japonais : elle est grave, brute, presque rustique. C’est la lenteur et l’hermétisme du No qui fait parallèle avec sa peinture, elle ne montre que peu d’action, dans une sorte de pudeur, aux émotions cachées.
« Key Sato s’est appliqué à faire une couche de peinture difficile et lente, qui procède par mûrissement des couches successives. […] On pourrait sans doute savoir ce qu’il coûte de temps à Key Sato pour réaliser une seule de ses œuvres, en comptant les couches successives de sa peinture, comme on compte les cercles de l’aubier pour connaître l’âge d’un arbre. » Michel Ragon, galerie Massol publié en 1961.
En 1960 il participe à la Biennale de Venise avec sept grands tableaux exposés auparavant à la Galerie Massol, puis en 1966 son travail est présenté lors de l’exposition collective « New Japanese Painting and Sculpture : an exhibition » au MOMA à New York.
Les allusions à la nature sont évidentes dans l’élaboration de paysages de bois ou de fougères pétrifiées, toujours soutenues par une trame géométrique insistant sur le glissement vertical ou horizontal des plans. Traces de laves solidifiées, agrégats de formes, inclusions d’éléments naturels, pierres, bois, feuillages. Le geste ne dépasse pas la surface du papier ou de la toile. La proximité avec les œuvres de Staël se manifeste par l’équilibre des formes, la construction raisonnée, et avec celles de Dubuffet, par l’apparition d’une géologie métamorphique. A la fin de vie, il s’arme de symboles : le fossile végétal illustre la source vitale de la nature, la plume incarne la famille et la tresse, l’harmonie. Ce le destin de l’Homme qui le préoccupe.
Sato s'éteint en 1978 au Japon, où il retourne à la fin de sa vie, à l’âge de 72 ans.